Bienvenue chez les snobs (suite)

Publié le par Marie Bouquine

High_Society-1-.JPGLe second roman, Les Prétendants de Cécile David-Weill, fortement inspiré par la vie de l’auteur, raconte le stratagème élaboré par deux sœurs, Laure et Marie Ettinguer, pour rencontrer un époux leur permettant de sauver L’Agapanthe, la villa familiale du Cap d’Antibes. Les Ettinguer sont une vieille et richissime famille de la grande bourgeoisie d’affaires. Chez eux tout n’est que luxe discret, bon goût et excellentes manières. Ce qui n’empêche pas des mœurs douteuses, des invités malotrus et un certain sens critique de leurs filles sur ce le monde raffiné et précieux de leurs parents en voie de disparition. Chaque été, depuis plusieurs générations, ils reçoivent de nombreux invités : autres grands bourgeois, autodidactes, artistes, aristocrates excentriques, pique-assiettes etc. Menus élaborés, personnel nombreux, dîner habillé et placé, conversations raffinées et subtiles, l’Agapanthe se veut le summum du chic et du bon goût (et aussi une villa où l’on ne fait que grossir et boire) que seule une aussi vieille et aussi fortunée famille peut maîtriser. Du moins c’est ce que nous explique l’auteur qui prend soin de différencier les Ettinguer de leurs voisins russes, des nouveaux riches ou d’autres vedettes clinquantes.

 

La galerie de personnages croqués par Cécile David-Weil est très amusante même s’il est dommage que les trois prétendants soient aussi peu crédibles. Les conversations mondaines lors du dîner ou du thé nous donnent l’impression d’être au théâtre, les riches descriptions de la villa, des règles régissant la maison ou des tenues des invités sont très bien conçues. L’auteur se moque mais avec intelligence de son milieu et de ses travers et nous propose un livre très divertissant.

 

Cependant, comme dans Charivari, la moquerie devient lassante, voire agaçante. Quel besoin de donner au lecteur à au moins huit reprises des règles de politesse et de bienséance en précisant toujours « Chez nous on dit, chez nous on ne fait pas etc » comme si uniquement dans le très petit milieu de cette vieille bourgeoisie très fortunée on savait qu’on ne dit pas « Bon appétit », « Enchanté », « de Bidule », qu’on place les fourchettes pointes en bas, qu’on mange un dessert avec une fourchette et qu’on met ses mains sur la table ? Evidemment tous les lecteurs ne connaissent pas toutes ces règles mais il me semble que quelques-unes distillées façon Baronne Nadine de R. auraient suffi. L’autre défaut serait peut-être que l’intrigue n’est pas assez développée, sans doute n’était-ce pas le propos de Cécile David-Weil.

 

En revanche, Cécile David-Weil dépeint avec charme l’amour que l’on peut avoir pour une maison de vacances : havre de paix, vestige de l’enfance, abri protecteur incarnant ce temps si précieux et si différent des vacances. Les thèmes de la nostalgie et de la « fin d’une époque » sont aussi intéressants.

Les Prétendants est donc un ouvrage divertissant et léger, à lire en vacances cet été !

 

Qui est Cécile David Weill ?

Fille du célèbre Michel David-Weill, héritier d’une dynastie de grands banquiers et ancien dirigeant de Lazard, Cécile David-Weill est l’une de ses quatre filles. Elle vit entre Paris et New York. Les Prétendants est son troisième roman.

 

Extraits :

« Tel un paquebot, la maison exigeait, en saison, un personnel nombreux et des voyageurs. Bref, c'était ce qu'il était convenu d'appeler une " bonne maison ". Un euphémisme d'un snobisme éhonté qui faisait référence aux quelques demeures de cet acabit à travers le monde, alliant le luxe, un goût sûr, un art de vivre »

 

 «  La maison, telle une bulle de plaisir affranchie de toute contingence matérielle, incitait à la rêverie, sinon au bonheur. Une sorte de ventre maternel dont il nous fallait sortir pour constater que personne ne vivait plus ainsi, ne vivait plus comme nous. »

 

« Mes parents classaient leurs invités selon leur degré d'intimité et d'ancienneté dans la villa. (...) Puis venaient les " habitués " composant le " fond de sauce " de la maison. La métaphore pouvait sembler peu flatteuse. Elle désignait pourtant les happy few, invités tous les ans, qui avaient leurs chambres attitrées. Leur rôle ? Assurer la base de convives nécessaires au remplissage de la villa. (...) S'y ajoutaient les habitués du déjeuner, ceux que nous appelions les " tickets de cantine ", voisins écrivains, conservateurs de musée, artistes ou golfeurs, souvent fauchés ou célibataires, qui venaient déjeuner tous les jours, attirés par la qualité de la table et l'agrément de la compagnie. »

Publié dans Mention "Fashion"

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